E. Moraletat, « Les femmes, l’État et la famille », Ruptures, n° 2, printemps 2001 (Amérique du Nord)
Depuis ses débuts, le mouvement féministe a été constamment contraint de négocier avec l’État. Mais faute de dynamiques assez rupturistes et autonomes, les luttes féministes ont échoué à promouvoir un projet global de société à la fois anti-capitaliste et anti-patriarcal. Parce qu’elles se sont alliées avec des appareils du pouvoir comme les partis, l’Église, les commissions gouvernementales, etc., les luttes féministes ont rendu, et rendent encore, possible la constitution de nouvelles formes d’organisation familiale, c’est-à-dire de réarrangements de l’ordre social nécessaires à la survie du capitalisme. Nous allons donc voir comment les victoires du mouvement féministe ont aussi été et sont toujours des victoires de l’État.
Affirmer qu’il serait possible, à l’heure actuelle, de sortir totalement des normes patriarcales et capitalistes (y compris dans les groupes libertaires) ne mène à rien, car les conditionnements autoritaires du patriarcat sont acquis et intégrés par chacunE d’entre nous. C’est ce que l’on appelle l’aliénation. Prétendre en sortir individuellement revient à vivre dans une utopie qui nous éloigne du combat que nous avons à mener pour arriver à s’émanciper collectivement.